Envie de pleurer tout le temps. Alors je pleure, sans même vraiment savoir pourquoi. Ma famille va bien, et je ne connaissais personne parmi les victimes. Mais je suis triste. Ou en colère. Ou les deux.
Vendredi soir on regardait mollement le match, et je reçois un Texto de Fille Aînée, qui dormait chez son copain: "T'as vu les fusillades à Paris?". On met BFM, LCI, on zappe, je ne comprends pas que le match continue. On se regarde avec l'Homme et on pense la même chose: putain, ça recommence. Je voudrais que Fille Aînée rentre, qu'elle soit là, chez nous, hop tous mes poussins dans le nid. Je sais que c'est idiot, elle est en sécurité mais je voudrais tellement pouvoir la toucher.
Il est tard, l'horreur de la situation se précise. J'attrape le dissolvant et j'enlève le vernis rose vif sur mes ongles. Voilà, c'est mieux.
Mais le lendemain, c'est l'anniversaire de mon frère, alors on dîne en famille, chez les parents. Je remets du vernis sur mes ongles, parce que merde, j'enfile mes babies à talons qui me font mal aux pieds mais on s'en fout, et je prends mon petit sac à main en vernis noir qui fait un peu pute mais que j'adore. Je sors, j'ai envie de m'acheter une robe, un truc féminin, coloré, c'est plus qu'une envie, je dois le faire. Le soir on trinque au champagne en silence, à personne et à tout le monde. Et puisque on célèbre un anniversaire, "le jour d'après" dira mon frère, on en profite pour mettre des bougies dans le jardin, jusqu'au portail.
Je reçois des chaînes de solidarité sur mon téléphone mais je ne les fais pas suivre. Je lis des conneries sur Facebook, je m'embrouille avec des "amis", je les bloque.
Je dis "je, je, je", j'ai honte. Il faudrait que je fasse quelque chose, mais quoi?
Je hais la politique, je suis agnostique. Il m'arrive de prier pourtant, genre "s'il vous plaît faites que", et de dire "Oh mon Dieu", OMG quoi, mais c'est devenu tellement vide de sens. Pourtant le seul truc que je vois c'est d'allumer un cierge dans la première église qui se présentera. Je le ferai peut-être. Ou pas. La religion, ha! On a vu ce que ça donnait vendredi soir.
Mais non, évidemment que je ne mets pas tout le monde dans le même panier. Ca, jamais. Ca ne passera pas par moi.
Avec l'Homme, on est en couple depuis 25 ans et évidemment c'est pas toujours un lit de roses. Ces dernières semaines particulièrement, il a été bien chiant. Mais bien hein. Pourtant quand il voit que mes yeux brillent un peu trop je suis tellement contente de l'avoir pour me réfugier dans ses bras, qu'il me dise que c'est normal, qu'il est triste aussi et qu'il n'y a rien à comprendre. On dort serrés l'un contre l'autre.
Je me relève la nuit pour aller embrasser mes filles, mes deux merveilleuses, fantastiques filles. Elles sont chaudes, douces, elles sentent bon. Dans leur sommeil elles m'entourent de leurs bras et je respire leurs cheveux.
Je mesure la chance que j'ai de les avoir, et l'Homme, et je suis si triste pour ceux qui sont seuls avec leur peine.
Je crois que comme Forrest Gump, c'est tout ce que j'ai à dire pour le moment à ce sujet.